Sources / Sens / But
Le « rush » des corrections, rapports, réunions, jury, congrès et autres obligations étant maintenant chose du passé, il est enfin possible de consacrer davantage de temps à la recherche.
Retour sur un article lu l’hiver dernier : il fait état d’une session du congrès de la Society of American Archivists (SAA) en 2011 qui était consacrée aux aspects de la référence, de l’accès et des activités de sensibilisation ou de promotion (« outreach1« [O]utreach. n. ~ The process of identifying and providing services to constituencies with needs relevant to the repository’s mission, especially underserved groups, and tailoring services to meet those needs. » »), et ce, depuis les débuts de l’Association en 1936 .
Son contenu offre un vaste panorama de l’évolution des pratiques, des principaux acteurs et de la littérature qui a été produite sur ces différents aspects liés à la diffusion des archives. Mais, parmi les nombreux passages à avoir retenu notre attention, il y a les citations suivantes :
« Archives are tools, and like all tools, they are kept to be used. » (Pugh, dans )
« The end of all archival effort is to preserve valuable records and make them available for use. » ( , cité dans )
« “The use of archival records is the ultimate purpose” of all archival activities and “promoting use […] is a fundamental goal of the archival community.” » (, cité dans )
« “[U]se is the fundamental purpose of keeping archives” ». (Proposition de révision au code d’éthique de la SAA, 2005, cité dans )
Ces propos nous semblent familiers. Et pour cause, comme en témoignent ces citations tirées du manuel Les archives au XXe siècle et de la Politique de gestion des documents inactifs des organismes publics découlant de la Loi sur les archives :
- « Ce n’est pas une fin en soi d’acquérir, de traiter et de conserver des archives. L’objectif ultime de l’archiviste est de rendre accessibles et de préparer à une diffusion les informations qu’elles renferment. »
- « À quoi bon en effet acquérir, traiter et conserver des archives si celles-ci ne sont pas accessibles et utilisables ? » (BAnQ, 1991, 5. Raison d’être) « C’est l’objectif ultime de tout système de gestion des archives. En effet, à quoi bon conserver des archives si personne ne peut les consulter ? » (BAnQ, 1991, 6.4 Assurer une accessibilité réelle et étendue aux archives publiques)
Elles épousent les vues exprimées par T. R. Schellenberg qui, en 1956, dans le dernier chapitre de son ouvrage Modern Archives consacré au service de référence, débutait en affirmant, comme mentionné, que : « The end of all archival effort is to preserve valuable records and make them available for use. » (Schellenberg, 1975, p. 224)
ZOTERO POINTE SUR EDITION DE 56 , RE-EDITE EN 1975
S’il est fort intéressant d’être ainsi en mesure d’identifier une importante source d’influence dans le développement de l’archivistique au Québec, il est encore plus intéressant de constater sur quelle conception des archives repose cette source. En effet, pour Schellenberg, « To be archives, materials must be preserved for reasons other than those for which they were created or accumulated. » (Schellenberg, 1975, p. 13) Son explication est la suivante :
Admittedly, the first, or primary reason why most records are preserved is to accomplish the purpose for which they were created and accumulated. In a government this purpose, we know is to accomplish its work. Records kept for this purpose are not necessarily archives. They must be preserved for another reason to be archives, and this reason is a cultural one. They are preserved for use by bodies other than those that created them, as well as by their creators. » (Schellenberg, 1975, p. 14) ZOTERO POINTE SUR EDITION DE 56 , RE-EDITE EN 1975
En d’autres termes, pour devenir « document d’archives », le « records », c’est-à-dire le « document d’activité2« 3.14 document(s) d’activité : informations créées, reçues et préservées comme preuve et actif par une personne physique ou morale dans l’exercice de ses obligations légales ou la conduite des opérations liées à son activité. » », doit posséder deux types de valeurs : primaires et secondaires, soit cette fameuse distinction mise de l’avant par Schellenberg en matière d’évaluation et qui aura un impact considérable sur la pratique québécoise, notamment dans le processus d’élaboration des règles de conservation.
Pour Schellenberg, le document d’activité ne naît pas archives, il le devient. Cette distinction s’avère, aujourd’hui plus que jamais, importante à rappeler. Elle permet, croyons-nous, de redécouvrir un aspect négligé de la définition des archives, à savoir que les archives sont « l’ensemble des documents, quelle que soit leur date ou leur nature, produits ou reçus par une personne ou un organisme pour ses besoins ou l’exercice de ses activités et conservés pour leur valeur d’information générale ». (LégisQuébec, 2017, Loi sur les archives, article 2) Bref, « ce qui justifie la conservation des archives est leur capacité, en tant que témoignage des activités de leur créateur, de répondre à des besoins. Autrement dit, par définition, l’exploitation est reconnue comme partie intégrante des archives. »
Le retour aux sources est aussi l’occasion de réfléchir au sens, de s’interroger sur le but de la pratique archivistique :
[W]e archivists have confused our goal with the means that are used to achieve this goal. […] The goal is use. We need continually to remind ourselves of this fact. Identification, acquisition, description and all the rest are simply the means we use to achieve this goal. They are tools. 3En effet, souligne Ian Wilson en citant un rapport de la Society of American Archivists (SAA) : « Archivists tend to think about their work in the order in which it is performed. Inevitably, use comes last. Since use of archival materials is the goal to which all other activities are directed, archivists need to re-examine their priorities. » (SAA, 1986, Planning for the Archival Profession, p. 23 cité dans ) Ce qui par ailleurs, fait remarquer Wilson, n’est pas sans engendrer un dilemme dans le milieu des archives quant à une approche orientée-usager. « The most successful organizations, public and private, today place the highest importance on customer service, re-evaluating, rethinking and re-engineering all processes, procedures and organizational shibboleths to place the needs of customers foremost. Yet for an archivist, use cannot take precedence over conservation of the materials. Therein lies the public service dilemma of archives. »
C’est donc dire que : « Outreach ensures that [archives] are used. »
Or si, comme leur définition l’indique, « Les archives sont l’ensemble des documents reçus ou constitués pas une personne physique ou morale, ou par un organisme public ou privé, résultant de leur activité, organisé en conséquence de celle-ci et conservé en vue d’une utilisation éventuelle. » et que, par conséquent, « Les archives sont avant tout des matériaux inertes qui demandent à être mis en œuvre. » , cela veut dire que leur utilisation s’avère non seulement une étape décisive mais un élément même de ce qui les constitue, ce qui, dans le contexte actuel, prend encore plus d’importance, comme Tom Nesmith le remarque à juste titre : Each day, as we read books, newspapers, magazines, and web content; watch movies and television; listen to the radio and podcasts; go to live theatre; enjoy music; attend performances of dance; use a library; visit a museum, art gallery, or historic site; take a course or send children to school; play a video game; or even use a stamp, we enter and use archives indirectly, because these activities have all drawn significantly on archives. Archives are now all around us, shaping what we know in our day-to-day activities.
- 1« [O]utreach. n. ~ The process of identifying and providing services to constituencies with needs relevant to the repository’s mission, especially underserved groups, and tailoring services to meet those needs. »
- 2« 3.14 document(s) d’activité : informations créées, reçues et préservées comme preuve et actif par une personne physique ou morale dans l’exercice de ses obligations légales ou la conduite des opérations liées à son activité. »
- 3En effet, souligne Ian Wilson en citant un rapport de la Society of American Archivists (SAA) : « Archivists tend to think about their work in the order in which it is performed. Inevitably, use comes last. Since use of archival materials is the goal to which all other activities are directed, archivists need to re-examine their priorities. » (SAA, 1986, Planning for the Archival Profession, p. 23 cité dans ) Ce qui par ailleurs, fait remarquer Wilson, n’est pas sans engendrer un dilemme dans le milieu des archives quant à une approche orientée-usager. « The most successful organizations, public and private, today place the highest importance on customer service, re-evaluating, rethinking and re-engineering all processes, procedures and organizational shibboleths to place the needs of customers foremost. Yet for an archivist, use cannot take precedence over conservation of the materials. Therein lies the public service dilemma of archives. »