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Moyens de diffusion


La question suivante était de vérifier dans quelle mesure les catégories et les moyens de diffusion qui sont envisagés dans Les archives au XXe siècle sont différents ou comparables à ceux envisagés ou utilisés ailleurs par les archivistes ?

Pour ce faire, nous avons comparé ce qui est proposé dans Les archives au XXe siècle à différentes sources (Tableau 1), soit le Manuel d’archivistique publié par l’Association des archivistes français (AAF) en 1970, les résultats de l’enquête menée par la Society of American Archivists (SAA) en 1976 et l’ouvrage de Pederson et Casterline paru, tout comme Les archives au XXe siècle, en 1982.

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Depuis une vingtaine d’années, les Archives ouvrent de plus en plus largement l’accès de leurs richesses au public non spécialisé, et s’efforcent, par l’organisation d’expositions ou de présentations de documents, par l’accueil d’élèves et d’étudiants de toutes disciplines, par des publications de textes à l’usage de l’enseignement, de collaborer étroitement à la vie culturelle.

C’est pourquoi il a paru légitime de consacrer, dans le cadre de ce Manuel, un chapitre entier à cet aspect des activités des archivistes français, dont l’importance ne saurait être trop signalée.

Comme ces propos en ouverture du chapitre du Manuel d’archivistique sur « Les archives et l’animation culturelle » le soulignent, « les efforts accomplis pour porter les richesses des archives à la connaissance du public profane [vont connaître à partir des années 1950 en France] une période de pointe, caractérisée par la multiplication des expositions permanentes ou temporaires et la création des services éducatifs. » C’est ce qui explique l’importance qui est accordée dans ce chapitre à ces deux principaux aspects, tant les différents points à prendre en considération lors de l’élaboration d’une exposition que dans l’organisation des services éducatifs ou la production de recueils de documents pour l’enseignement y sont abordés de façon détaillée. Quant aux autres « modalités pratiques d’action » culturelle, telles que la visite de dépôts d’archives, les visites commentées d’expositions, la présentation de documents dans des lieux ou évènements publics, les conférences, la radiodiffusion et la télévision, la rédaction d’articles, la fourniture d’une documentation de base et le tourisme, elles sont traitées plus brièvement dans une troisième et dernière partie du chapitre.

Lorsque l’on compare le Manuel d’archivistique avec Les archives au XXe siècle, l’on y constate deux manières quelque peu différentes d’envisager la question de l’animation culturelle ou de la diffusion. Les Québécois y distinguent deux pôles, deux champs d’activités à prendre en considération. À ce propos, il est à noter que le découpage de la diffusion en deux catégories, c’est-à-dire, d’une part, « l’organisation d’activités permettant de projeter et de mettre en valeur les archives (ex. : expositions, programme de publications de documents ou d’instruments de recherche), et, d’autre part, la participation à des activités ayant “un objectif socio-culturel et éducatif” (ex. cours, conférences) » était proposé par Ducharme et Rousseau . D’ailleurs, leur conception s’apparente aux deux aspects distingués par Claire Berche lors du 9e Congrès international des archivesà Londres en 1980, à savoir, « la participation à une diffusion des ressources culturelles auprès de chacun et la publicité en faveur des archives ». Ce rapprochement semble d’autant plus intéressant que Claire Berche est l’une des rares intervenantes sur la question à utiliser le terme de « diffusion culturelle » pour désigner, tout comme les Québécois, les moyens mis en œuvre par les archivistes afin de faire connaître les archives à un plus large public1Dans le Manuel d’archivistique, le terme de diffusion est présent, cependant il n’est pas utilisé en lien avec l’animation culturelle mais plutôt dans le contexte de « la documentation aux Archives » c’est-à-dire « la gestion des collections d’origine extra-administrative réunies et traitées pour donner, soit à l’Administration, soit aux particuliers, les renseignements les plus variés. » La diffusion est donc synonyme de « distribution », de « transmission » et correspond à l’un des trois stades de la documentation : « collecte et conservation, exploitation ou prospective, contacts et diffusion. » Le constat est le même au Québec, comme en témoigne un article publié dans la revue Archives au début des années 1970 sur la fonction de documentaliste . Il est intéressant de souligner que l’auteur associe la référence à la diffusion des documents, comme cela sera le cas dans Les archives au XXe siècle.. En regard de l’expérience qu’ils ont acquise au cours de vingt dernières années, l’approche des Français est donc fort différente. Ce n’est pas deux modes (archives / archiviste) mais plutôt trois volets (expositions / activités éducatives / action culturelle) qui caractérisent l’état de la situation.

Bien sûr, bon nombre des actions ou activités envisagées par les archivistes québécois ou français se recoupent. Toutefois, il est à signaler que, dans la perspective française, des aspects comme la règlementation et la référence, ne font pas partie de l’action culturelle et sont considérés dans d’autres chapitres du Manuel, et que les activités éducatives envisagées dans Les archives au XXe siècle n’ont rien de comparable à celles des Services éducatifs mis en place aux Archives nationales et dans les Archives départementales à compter des années 1950 2Faisant état des stratégies déployées par un centre d’archives afin de rejoindre la clientèle scolaire, Ann ten Cate souligne que : « One of the most important types of outreach activity is still an area of unexplored opportunity. The relationship between the archival system and the educational community has not been particularly fruitful in Canada, especially in smaller archives where staffing and budget problems allow little time or energy for creative outreach programmes directed at children. » Aussi, il n’est pas étonnant que, lors du Congrès de l’Association des archivistes du Québec (AAQ) en 1985, la présidente de l’Association des professeurs d’histoire du Québec « soulignait le besoin de matériel didactique nouveau pour l’enseignement de l’histoire. » . Pourtant, lors du colloque « Les archives et le monde de l’éducation » tenu en novembre 1979 à l’Université du Québec à Montréal lors de la semaine des archives, plusieurs archivistes :

Ont parlé de l’avantage qu’il y aurait à doter les grandes institutions de services éducatifs comme il en existe en France. Ils ont préconisé l’organisation de visites aux archives et, vu qu’il n’est pas toujours pratique ou même possible d’initier les élèves sur place, ils ont suggéré que des documents audio-visuels soient mis à la disposition des écoles. Ils estiment qu’ici comme aux États-Unis on a besoin d’archivistes-animateurs, et que, comme la chose se pratique en France, des enseignants devraient pouvoir travailler avec eux.

Considérations des plus justifiées lorsque l’on sait qu’en France, « le public scolaire constitue toujours, assurément, le destinataire privilégié 3Il en est ainsi parce que « la force principale des services éducatifs des archives, qui fait que l’on ne conçoit pas qu’un système éducatif en France puisse s’en passer, tient à la nature même des documents d’archives : comme source vivante de l’histoire, matière d’enseignement obligatoire ; comme témoignage concret du fonctionnement des institutions publiques, ce qui prend toute sa valeur comme support de l’instruction civique. » des actions de diffusion culturelle mises en œuvre par les Archives4Pour un exemple particulièrement réussi de l’implantation d’un service éducatif dans un centre d’archives communales, voir .. » À ce propos, il est intéressant de souligner qu’un Québécois, Louis Côté, dans le cadre d’un stage en France visant « la diffusion du patrimoine par les services éducatifs et d’action culturelle des divers organismes du Ministère de la Culture » , aura l’occasion de participer aux Archives départementales de l’Orne, à un projet novateur en milieu rural : l’archivobus, c’est-à-dire un véhicule « conçu à l’image d’un bibliobus, véhicule fréquemment utilisé par les Bibliothèques centrales de Prêt au Québec. » Face au succès rencontré par l’expérience, Côté se dit, en pensant au Québec, qu’il « n’est pas loin le jour où l’on verra un “archivobus” se balader sur les routes sillonnant le Saguenay–Lac-Saint-Jean, par exemple. » Effectivement, cela aurait constitué au Québec, comme en France, un excellent moyen de desservir la clientèle scolaire en milieu rural.

Pour ce qui est de la comparaison avec la présentation des résultats du sondage de la SAA par Pederson, l’on constate que l’approche est très différente. Ce ne sont pas deux pôles mais trois différents types de clientèle, trois types d’orientation (professionnelle, éducationnelle et grand public) qui structurent les propos. Sur le plan des moyens envisagés, là aussi, tout comme pour le Manuel d’archivistique, les recoupements sont nombreux. Les moyens en lien avec l’audiovisuel y sont cependant plus développés que dans Les archives au XXe siècle5C’est l’une des constatations faites par Gilles Durand dans son compte rendu du VIIIe Congrès du Conseil international des achives qui se tenait à Washingon D.C. du 27 au 1er octobre 1976 : « Afin de rejoindre davantage le grand public, les services d’archives […] font maintenant appel aux moyens de diffusion utilisées par les mass media et la publicité : tableaux illustratifs […] reproduisant en plus grande dimension, en couleur au besoin, les originaux […] ; facsimilés ; diapositives et magnétophones transmettant des commentaires accompagnés d’effets sonores ; films ; mini-ordinateur fournissant une fiche-réponse à la suite d’une question d’un visiteur ; etc. » . Par ailleurs, quoique les deux comprennent des activités de promotion et de formation, comme c’était le cas dans le Manuel d’archivistique, la règlementation6La question des « règles d’accessibilité » était l’un des principaux points abordés en matière de diffusion par Carol Couture et Jacques Ducharme lors de la présentation du Service des archives de l’Université de Montréal au 3e Congrès annuel de l’AAQ en 1974. et la référence n’y figurent cependant pas.

Enfin, quant à l’ouvrage Archives and Manuscripts, le fait qu’il est était lui aussi publié en 1982, rendait la comparaison des plus pertinentes. Toutefois, dans la mesure où, comme nous l’avons souligné, les moyens inventoriés sont basés sur les documents fournis par les institutions participantes lors du sondage de la SAA, il n’apporte par conséquent que peu d’éléments nouveaux. Néanmoins, la comparaison fait ressortir que la portée des programmes publics qui sont envisagés est plus large, plus inclusive que dans Les Archives au XXe siècle, avec des points comme les programmes de documentation ou la publicité. De plus, les moyens de diffusion dont le développement est envisagé dans Archives and Manuscripts découlent d’une analyse préalable tenant compte des buts de l’organisation, des besoins et ressources du centre ou service d’archives et des attentes des usagers. En d’autres termes, il s’agit bel et bien de la mise en place d’un « programme » dont l’objectif est de satisfaire aux besoins de la clientèle. Le chapitre sur la diffusion dans Les Archives au XXe siècle ne propose rien de tel.

En résumé, comme le montre la Figure 6, tout en étant plus inclusive concernant les dimensions de l’accessibilité et de la référence, la fonction de diffusion dans Les archives au XXe siècle accorde cependant moins d’importance à des aspects tels que l’éducation, la planification, les programmes de documentation ou la publicité.

Figure 6 : Particularités de la fonction de diffusion


  • 1
    Dans le Manuel d’archivistique, le terme de diffusion est présent, cependant il n’est pas utilisé en lien avec l’animation culturelle mais plutôt dans le contexte de « la documentation aux Archives » c’est-à-dire « la gestion des collections d’origine extra-administrative réunies et traitées pour donner, soit à l’Administration, soit aux particuliers, les renseignements les plus variés. » La diffusion est donc synonyme de « distribution », de « transmission » et correspond à l’un des trois stades de la documentation : « collecte et conservation, exploitation ou prospective, contacts et diffusion. » Le constat est le même au Québec, comme en témoigne un article publié dans la revue Archives au début des années 1970 sur la fonction de documentaliste . Il est intéressant de souligner que l’auteur associe la référence à la diffusion des documents, comme cela sera le cas dans Les archives au XXe siècle.
  • 2
    Faisant état des stratégies déployées par un centre d’archives afin de rejoindre la clientèle scolaire, Ann ten Cate souligne que : « One of the most important types of outreach activity is still an area of unexplored opportunity. The relationship between the archival system and the educational community has not been particularly fruitful in Canada, especially in smaller archives where staffing and budget problems allow little time or energy for creative outreach programmes directed at children. » Aussi, il n’est pas étonnant que, lors du Congrès de l’Association des archivistes du Québec (AAQ) en 1985, la présidente de l’Association des professeurs d’histoire du Québec « soulignait le besoin de matériel didactique nouveau pour l’enseignement de l’histoire. »
  • 3
    Il en est ainsi parce que « la force principale des services éducatifs des archives, qui fait que l’on ne conçoit pas qu’un système éducatif en France puisse s’en passer, tient à la nature même des documents d’archives : comme source vivante de l’histoire, matière d’enseignement obligatoire ; comme témoignage concret du fonctionnement des institutions publiques, ce qui prend toute sa valeur comme support de l’instruction civique. »
  • 4
    Pour un exemple particulièrement réussi de l’implantation d’un service éducatif dans un centre d’archives communales, voir .
  • 5
    C’est l’une des constatations faites par Gilles Durand dans son compte rendu du VIIIe Congrès du Conseil international des achives qui se tenait à Washingon D.C. du 27 au 1er octobre 1976 : « Afin de rejoindre davantage le grand public, les services d’archives […] font maintenant appel aux moyens de diffusion utilisées par les mass media et la publicité : tableaux illustratifs […] reproduisant en plus grande dimension, en couleur au besoin, les originaux […] ; facsimilés ; diapositives et magnétophones transmettant des commentaires accompagnés d’effets sonores ; films ; mini-ordinateur fournissant une fiche-réponse à la suite d’une question d’un visiteur ; etc. »
  • 6
    La question des « règles d’accessibilité » était l’un des principaux points abordés en matière de diffusion par Carol Couture et Jacques Ducharme lors de la présentation du Service des archives de l’Université de Montréal au 3e Congrès annuel de l’AAQ en 1974.